Les dark-kitchens sur le grill, première victoire !
(TA Paris, 5 oct. 2022, n° 2219412/4 et s.)
Par ordonnance du 5 octobre 2022, le Tribunal administratif de Paris a suspendu des décisions de la mairie de Paris mettant en demeure Frichti et Gorillas d’avoir à « restituer » sous 3 mois plusieurs locaux qu’elles louent dans Paris et/ou de les remettre en état, sous peine d’une astreinte administrative, sur le fondement de l’article L 481-1 du code de l’urbanisme.
Le Tribunal a considéré que Frichti et Gorillas justifiaient d’une situation d’urgence au sens de l’article L 521-1 du code de justice administrative, eu égard aux emplois menacés et du risque d’atteinte grave et immédiate à leur équilibre économique.
Au titre des doutes sérieux sur la légalité, il a relevé que :
- Les décisions de mises en demeure attaquées se bornaient à faire état de « travaux de changement de destination », sans préciser leur nature, et d’une « transformation en entrepôt de locaux existants », alors qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que des travaux au sens des dispositions des articles L. 421-1 à L 421-5 du code de l’urbanisme aient été entrepris ou exécutés par les deux sociétés dans ces locaux.
- Aux termes du règlement du PLU de la Ville de Paris, les espaces de logistique urbaine sont considérés comme des locaux ou des CINASPIC « dédiés à l’accueil des activités liées à la livraison et à l’enlèvement des marchandises, pouvant inclure du stockage de courte durée et le retrait par le destinataire ; sont autorisés les activités d’entreposage et de reconditionnement pratiquées uniquement temporairement ou de façon marginale ».
Il ressort des pièces que les locaux sont destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises, à l’ensachage et à la mise à disposition de ces commandes aux livreurs, que l’entreposage des marchandises est voué à être temporaire : ces locaux doivent donc être regardés comme ayant pour objet d’optimiser en milieu urbain le délai et le mode de livraison et présentant un intérêt collectif.
« Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les locaux concernés par les décisions attaquées correspondraient à la définition d’espace de logistique urbaine au sens du règlement du PLU de la Ville de Paris qui, contrairement à la destination d’entrepôt, n’est pas interdite par l’article UG.2.2.2 du même PLU dans le cadre de la transformation de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue, est propre à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées qui estiment que le changement de destination de ces locaux ne serait pas régularisable par la délivrance d’une décision de non-opposition à déclaration préalable ».
Où l’on constate combien la notion de CINASPIC est entendue de façon large, l’intérêt d’une telle qualification étant de soumettre les projets en cause à des règles moins contraignantes que celles pouvant s’appliquer aux constructions relevant d’autres destinations.
Ce qui est également vrai pour les projets les plus innovants en droit immobilier, notamment pour les résidences jeunes actifs offrant en sus de l’hébergement des espaces de co-working et incubateurs pour les accompagner dans le développement de leurs activités professionnelles.
Première victoire pour les dark-kitchens et autres dark-stores, la mairie de Paris ayant toutefois d’ores et déjà annoncé qu’elle allait saisir le Conseil d’Etat ! Affaire à suivre, donc !